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CMA au NB: quatre aperçus

I

Le 9 août 1842 fut signé le Traité de Washington que certains appellent aussi le Traité de Webster-Ashburton, définissant une partie de la frontière entre les États-Unis et le Canada-Uni, colonie britannique, et mettant fin aux hostilités entre la mère patrie (Angleterre) et son rejeton (États-Unis)—hostilités auxquelles les historiens ont donné le nom de « Guerre d’Aroostook ». Cent soixante-douze ans plus tard, le 9 août 2014, dans le cadre des activités du Congrès Mondial Acadien (CMA), s’est ouverte au Musée historique du Madawaska, une exposition intitulée «L’Acadie des terres et forêts :  Frontières contestées, familles retrouvées ». Pour aider tous ses participants à comprendre adéquatement pourquoi le CMA s’est déployé cette année sur le vaste territoire du Nord-Ouest néobrunswickois, du Témiscouata québécois et de la partie la plus septentrionale du comté d’Aroostook, dans le Maine, il aurait fallu qu’ils visitent cette exposition conçue et montée par les frères Bérubé, Adrien et Benoît, respectivement géographe et historien originaires d’Edmundston, Allen Doiron, archiviste aux Archives provinciales du Nouveau-Brunswick et Christian Michaud, artiste visuel au Musée historique du Madawaska.

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Dès 1842, donc, la question de la frontière entre le Maine et le Nouveau-Brunswick fut réglée, divisant des familles à jamais. Par contre, celle entre le Canada-Est et le Nouveau-Brunswick ne sera fixée que neuf ans plus tard par arbitrage, avec un juge à Londres tranchant. L’ancienne seigneurie de Madoueska joua un rôle central dans la prise de décision.

Ce qui est extraordinaire, c’est que chacun de nous puisse visiter cette exposition bien assis dans son salon ou son bureau grâce au site internet suivant : http://expoatf.ca

Il suffit de mentionner ici que l’exposition occupant une très grande salle au Musée est divisée en 5 parties : (1) « mural » par terre; (2) panneaux et ligne du temps; (3) vitrines;  (4) tables tournantes; (5) fac-similé.

« Mural » à terre : les visiteurs « marchent » littéralement l’Acadie des terres et forêts. Sur des cartes topographiques collées au plancher sont superposées des reproductions de cartes historique formant une mosaïque qui permet au visiteur de bien se situer.

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photo-1 Panneaux et ligne du temps : neuf panneaux couvrent trois murs. Le premier mur (panneaux 1 à 4) représente la période d’avant le Traité de Washington. Le deuxième  celle du Traité (panneaux 5 et 6) et le troisième (panneaux 7 à 9) le présent et l’avenir. Grâce à la ligne du temps, il est possible d’associer les événements se passant en Acadie des terres et forêts à d’autres se déroulant ailleurs.

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Vitrines : Deux documents précieux : Le livre des concessions au Madawaska et les cartes cadastrales de James A. MacLauchlan et John C. Allen.

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Tables tournantes : d’anciennes cartes fournissant un supplément d’informations portant à la réflexion sur notre façon de concevoir le monde.

Fac-similé : réplique de la borne 178, la plus nordique de la frontière canado-états-unienne à l’est du lac Supérieur. L’originale se visite à Estcourt (Pohénégamook).

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II

En prévision de la journée louisianaise à Grand Sault le lundi 18 août, quatre poètes de la Louisiane, offraient la veille, dans la chaleureuse salle de spectacle de la Petite église d’Edmundston, un « prélude poétique ».

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Aujourd’hui, la poésie de langue française en Louisiane est en pleine effervescence. En mars dernier, Zachary Richard fut sélectionné pour occuper pendant une période de deux ans (2014-2016) le poste nouvellement créé de Poète lauréat de la Louisiane française. La sélection fut unanime compte tenu de son action sur les 40 dernières années. Il a tôt compris l’importance de la langue française pour son peuple. Par sa poésie, entre autres son recueil Faire récolte, il a démontré que le français de la Louisiane pouvait dépasser la stricte oralité. Par son exemple, les Louisianais se sont rendu compte qu’ils avaient beaucoup de choses à dire et qu’ils peuvent les dire et les écrire en français.

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Sur scène à Edmundston avec Zachary, son copain de toujours, Barry Ancelet (aka Jean Arcenaux), Brenda Mounier et Kirby Jambon. Quatre prestations individuelles et personnelles et, en finale, un poème original composé à quatre et livré en concert!

III

Le lendemain, Journée louisianaise à Grand Sault et une table ronde des poètes. Aux quatre poètes de la veille se sont ajoutés Earlene Broussard et Nathan Rabalais.

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Récitant moins et causant plus, ils ont fourni un aperçu de leurs sources d’inspiration, de leurs rêves, de leurs styles disparates et des défis du moment. Le fait que l’Académie française vient d’attribuer à Kirby Jambon, pour son livre Petites communions : poèmes, chansons et jonglements, le Prix de soutien à la création littéraire Henri de Régnier, témoigne de la puissance et de la qualité de la nouvelle littérature franco-louisianaise.

Tout au long de la Journée louisianaise, Jambon fit preuve de sa polyvalence et de sa bonne humeur en animant plusieurs tables rondes dont celle de Nathan Rabalais, poète de la relève, mais également analyste à ses heures. Ici, il décortique les identités « Cadien » et « Acadien » rebutant, à sa façon, ceux qui prônent la notion de similitude entre l’Acadie du Nord et Acadie du Sud.

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Un autre membre de la jeune relève franco-louisianaise est Clint Bruce, vu ici avec le vieux routier Barry Ancelet, en train d’aborder la question d’écrire en français, comment et pourquoi? Si le français louisianais est strictement oral, comment expliquer l’imposant nouveau Dictionary of Louisana French? ( https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/?s=dictionary+of+louisiana+french )

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De l’archéologie au CMA, il y en a eu. D’abord, le Projet Nouvelle-Acadie animé par Ron Gaspard, au centre. Il s’agit d’une initiative qui vise à localiser les premières installations d’exilés acadiens en Louisiane autour de 1765. Toutefois,  Gaspard a surtout parlé de fouilles en cours dans un ancien cimetière situé à Parks, communauté constituée de Créoles de couleur et située à mi-chemin entre Pont-Breaux et Saint-Martinville.

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À la droite de M. Gaspard est Sarah Beanlands qui réalise des fouilles archéologiques, près de Windsor, en Nouvelle-Écosse, d’où les Acadiens ont été déportés à partir de 1755. Ce sont ses ancêtres, largement loyalistes, qui ont pris possession des terres abandonnées. Depuis 250 ans donc, la même famille—la sienne—les occupe. Jeune, Sarah écoutait des légendes de sa famille. L’une d’elles voulait qu’autrefois sur ces terres habitaient des fées que l’on appelait des « tippy toes ». Plus grande, étudiante en anthropologie et archéologie, la jeune femme apprenait d’autres « histoires » dont certaines la dérangeait, à savoir celles des Acadiens déportés qui auraient pu cultiver ses terres avant ses ancêtres. La recherche aidant, Sarah découvre que les premiers terriens s’appelaient « Thibodeau ». D’où « tippy toes », déformation du nom et début d’une légende! Les fouilles se poursuivent sur ses propriétés dans le but de déterrer ce qui pourrait rester des « tippy toes ». Phénomène inusité, c’est qu’une invitation lancée aux Thibodot, Thibodeau, Thibodeaux, Tiebout….de l’Amérique à venir en Nouvelle-Écosse participer aux fouilles a donné des résultats invraisemblables. Des Thibodeau des Maritimes, du Québec, du Canada et des États-Unis ont été nombreux à venir et à faire avancer les travaux. Tous les artefacts trouvés sont classés et entreposés.

IV

À la bibliothèque d’Edmundston où je suis venu exploiter l’internet, est annoncé le soir même un « concert » de Marie-Jo Thério. Je l’aime bien comme chanteuse. Ça commence dans moins de deux heures, j’y assisterai! Sauf que ce ne fut pas un « concert », mais plutôt une causerie. Marie-Jo a quand même chanté deux fois, mais elle s’est surtout confiée. Sa jeunesse et sa formation en musique classique, sa première visite d’une grande ville (Boston) à 14 ans, son départ de Moncton à 17 ans, son installation à Montréal, ses années à Paris avec son Français…et son dernier album tout en anglais, « Chasing Liddy » dont la recherche l’avait ramenée au Massachusetts où des membres de sa parenté, comme tant d’autres Acadiens, s’étaient exilés le siècle dernier en quête du travail. Pour eux, la ville de prédilection était Waltham et l’employeur Waltham Watch.

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Pour Marie-Jo, cette découverte personnelle de l’Acadie de la diaspora a rendu impératif, obligatoire, essentiel sa participation à ce cinquième Congrès Mondial, car dit-elle, « cette année est la première fois qu’on fait déborder les frontières traditionnelles de l’Acadie! »