Document : 1759-06-02

Références / localisation du document

Archives communales de Bologne-sur-Mer, n° 1563 // Roy, Jean-Edmond, Rapport sur les archives de France relatives à l'histoire du Canada, Ottawa, 1911, p. 138 // Ernest Deseille, "Les Canadiens (Acadiens) de l'Ile Saint Jean à Boulogne (1758-1764)", Société historique acadienne (Cahiers), 4, 5 (1972 (1887)) : pp. 200-4 //

Date(s)

1759-06-02

Auteur ou organisme producteur

témoins de l'altercation avec Joseph Dugast (acadien)

Résumé et contenu

Plainte de Joseph Dugast, Acadien embarqué sur un corsaire contre le capitaine du navire sur lequel il a embarqué.
Dugast a quitté son navire pour aller chercher des vêtements à Boulogne et se réchauffer. Le capitaine, qui le considère qui lui a donné plusieurs coups d'épée dans le bras alors que Dugast s'était rendu à Boulogne pour chercher des vêtements et se réchauffer.


A Messieurs les maires et échevins de cette ville de Boulogne sur Mer
[au bas de chaque page : " marque du dit Dugast qui a dit ne savoir écrire ni signer "].

Supplie humblement Joseph Dugast habitant de l'Acadie [écrit La Cadie] transporté par les ennemis de l'Etat en cette ville de Boulogne, disant qu'il s'est embarqué en qualité de novice sur le corsaire nommé la marquise de Nazelle, capitaine Louis Bray dont était dépositaire le sieur Barbe fils.
Ce corsaire ayant fait côte dans sa course pour éviter sa prise sur la poursuite de l'ennemi entre le Tréport et le Bourg d'eau [sic], le suppliant est resté et a travaillé à bord du dit corsaire pendant quinze jours, mais ne pouvant plus continuer son travail à cause de la rigueur du froid et de la perte de ses habitants à moins qu'il ne lui en ait été remis d'autres ou quelques argent pour en acheter, ce qui lui fut refusé par le dit sieur Barbe auquel il s'adressa. Il fut contraint de prendre le parti de venir à Boulogne chercher les secours qu'on lui refusait. Où étant arrivé le 17 février dernier il fut se présenter au sieur Chauler [Chaulaire] commissaire des classes de la marine de cette ville et au sieur Barbe père auxquels il fit part du sujet de son retour et demanda à ce dernier quelque argent pour s'acheter les hardes dont il avait grand besoin et pour repartir le lendemain 18.
Le Sieur Barbe ayant promis au suppliant d'en parler à son fils et de s'engager à lui donner le secours qu'il demandait, le suppliant ne fut pas plus tôt sorti pour voir son père sur le port de cette ville ou il se trouvait logé que le Sieur Barbe fils ayant appris l'arrivée du suppliant qu'il fut prendre quatre fusiliers au corps de garde de cette ville et se transporta avec eux chez le père du suppliant ou ayant su qu'icelui suppliant était passé dans une maison voisine pour se chauffer, il y entra et ayant aperçu le suppliant au coin du feu il tira tout en fureur un sabre qu'il avait à la ceinture et en porta un coup sur le bras du suppliant qui lui en coupa la moitié et lui aurait indubitablement partagé la tête d'un autre coup si une personne qui entra par hasard dans la dite maison ne l'eût détourné en arrêtant le dit Sieur Barbe par le bras et comme le suppliant qui se trouve estropié de son bras dont il ne pourra jamais faire usage est hors d'état de travailler et gagner sa vie, que d'un autre côté le procédé dudit sieur Barbe est en tout contraire aux lois de sa majesté et répréhensible, le suppliant a été conseillé de vous donner la présente requête.
Ce considéré (ill.) (?) en conséquence lui permettra de faire informer par devant vous des faits contenus en icelle, circonstances et dépendances pour quoi témoins seront assignés à comparaître ( ?) par devant vous en la chambre criminelle aux jours et heures qui leur seront indiqués (etc?)

[scellé à Boulogne ce 2 juin 1759].

[nouveau document] :
Information faite par nous François Cennet conseiller du Roi, majeur (?) juge civil criminel de Boulogne sur Mer, à la requête de Joseph Dugast habitant de l'Acadie de présent demeurant en cette ville demandeur et complaignant suivant la plainte a nous donnée le premier juin présent mois seulement scellée ce jour par Du Blaisel contre le Sieur Barbe fils demeurant en cette dite ville armateur du Corsaire la marquise de Nazelle, Capitaine Louis Bray, défendeur et accusé, à laquelle information avons procédé avec le Sieur Louis Monlaur (?) commis greffier, de lui préalablement pris le serment, attendu l'indisposition du Sieur Jean L'Heureux notre secrétaire greffier ainsi qu'il en suit.

Du samedi 2 juin 1759 dix heures du matin.

Est comparu Madgelaine Sauvage veuve d'Antoine Sauveur dit Sicard demeurante en cette ville paroisse St Nicolas âgée de 34 ans ou environs, laquelle après serment par elle fait de dire vérité, et qu'elle nous a déclaré n'être parente, alliée, servante ni domestique des parties, et qu'elle nous a représenté l'exploit d'assigné à elle donné le dit jour, dépose sur les faits mentionnés en la plainte de Joseph Dugast habitant de l'Acadie actuellement en cette ville dont nous luis avons fait faire lecture que dans le mois de février dernier sans pouvoir se souvenir plus précisément du jour, le dit Dugast étant à se chauffer chez elle sur les dix heures du soir, le sieur Barbe fils est entré accompagné de quatre fusiliers auxquels il a commandé de rester à la porte, et en tirant nu le sabre qu'il avait à son côté, il en a porté deux coups sur le bras du dit Dugast qui a été tellement saisi qu'il n'a pas eu la force de se plaindre ni osé crier et un moment après le sang coulait abondamment. Le dit Barbe fit sortir le dit Dugast accompagné des dits quatre fusiliers et sur ce que la déposante, touchée de la situation du dit Dugast crut devoir faire des représentations au dit S. Barbe sur la violence de son procédé, le dit Barbe répondit qu'il en ferait autant à la déposante si elle raisonnait davantage, et est tout ce qu'elle a dit savoir.
Lecture a elle faite de sa déposition, a dit icelle contenir vérité, y a persisté, requérant taxe lui avons taxé dix sols et a signé avec nous et notre greffier commis [signatures]

Est aussi comparu Marie Louise Germe jeune fille à marier demeurante en la basse ville du dit Boulogne âgée de 20 ans ou environ, laquelle après serment par elle fait de dire vérité et qu'elle nous a déclaré n'être parente, alliée, servante ni domestique des parties, et avoir été assignée par exploit de Deulin [?] sergent à verge de cette mairie de ce jourd'hui, copie duquel elle nous a représenté et à elle à l'instant rendu.
Dépose sur les faits mentionnés en la plainte du dit Dugast dont nous lui avons fait faire lecture que dans le milieu du mois de février dernier sans pouvoir précisément déterminer le temps étant dans la maison de Madgelaine Sauvage chez qui elle demeure comme associée, elle a vu entrer le Sieur Barbe fils comme un furieux, ayant le sabre à la main dont il a porté deux coups sur le bras droit au dit Joseph Dugast en jurant contre lui sans que celui-ci ait formé la moindre plainte, et comme le dit Sieur Barbe s'est aperçu que le dit Dugast était blessé et avait perdu beaucoup de sang, il l'a fait sortir pour le conduire chez le S. Barbe père où il est allé accompagné des quatre fusiliers qu'il avait d'abord laissé à la porte et est tout ce qu'elle a dit savoir. Lecture à elle faite de sa déposition, a dit icelle contenir vérité, y a persisté et fait sa marque ordinaire déclarant ne savoir écrire de ce enquis suivant l'ordonnance requérant taxe lui avons taxé dix sols et avons avec notre commis greffier signé
[signatures des greffiers et " marque de Marie Louise Germe " X]

Est aussi comparue Marguerite Sauvage fille à marier âgée de 25 ans ou environ laquelle après serment par elle fait de dire vérité, et qu'elle a déclaré n'être parente, alliée, servante, ni domestique des parties, et avoir été assignée par exploit de Deulin (?) sergent à verge de cette mairie de ce jourd'hui, qu'elle nous a représenté, et à elle à l'instant rendu.

Dépose sur les faits mentionnés en la plainte du dit Dugast dont nous lui avons fait faire lecture que il y a trois mois ou environ étant chez Magdelaine Sauvage sa soeur, où elle demeure, est entré vers les 9 heures et demies le nommé Joseph Dugast Canadien et un moment après le Sieur Barbe fils lequel ayant aperçu le dit Dugast est allé à lui le sabre à la main et lui en a porté deux coups sur le bras et après que le dit Dugast eut perdu beaucoup de sang, le dit Barbe l'a fait sortir accompagné de 4 fusiliers qui étaient restés à la porte sans que la déposante et ses compagnes ayant peu arrêter le sieur Barbe, lequel sur les remontrances qu'elles lui ont fait s'est emporté à leur égard en leur disant qu'il les aurait traitées comme il venait de faire le [sic] dit Dugast et c'est tout ce qu'elle a dit savoir.
Lecture à elle faite de sa déposition, a dit icelle contenir vérité, y a persisté et fais sa marque ordinaire déclarant ne savoir écrire etc...

[suivent les signatures et la marque de Marguerite Sauvage]

L'an mil sept cent cinquante neuf [1759] le deuxième jour de juin, je, Jacques Dulin ( ?) installé en la mairie de Boulogne y demeurant paroisse St Nicolas (..) [à la requête du juge civil, criminel et de police de Boulogne] du premier du présent mois etc. (?) à la requête de Joseph Dugast, habitant de l'Acadie, transporté par les ennemis de l'Etat en cette ville de Boulogne y résident, lequel déclare faire élection ( ?) de domicile en la maison du Sieur ( ?) Gaspard Leriche ( ?) son procureur au siège de la mairie demeurant au dit Boulogne certifie avoir fait et donné assignation à la Veuve Siquard, à Marguerite Sauvage, à Marie Louise Germe et au Sieur Robert Ternaux fils tous demeurant en cette ville de Boulogne en leurs domiciles où je me suis transporté parlant pour la dite veuve Siquard à sa personne, pour la dite Marguerite Sauvage à sa personne, etc? (etc?. ; contrôlé à Boulogne le 1er juin 1759).

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Extrait de Roy p. 138. Archives communales de Boulogne sur Mer.

N° 1563 : Joseph Dugast, habitant de l'Acadie, transporté à Boulogne, par les ennemis de l'Etat, et ensuite embarqué comme novice sur le corsaire _La Marquise de Nazelle_, capitaine Louis Bray. Dépose une plainte contre le sieur Barbe fils, dépositaire du dit navire. Déposition des témoins qui ont vu Barbe donner un coup de sabre sur le bras de Dugast, dans la maison de Madeleine Sauvage, veuve d'Antoine Sauveur dit Sicard.

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extrait de Deseille :
p. 202 : Joseph Dugast, embarqué à bord d'un Corsaire (la Marquise de Nazelle), qui pour entrée en exercice, subit un échouement, la perte de ses effets et le refus d'autres vêtements. Comment travailler à peu près nu, au mois de février, à bord d'un bateau ? La rigueur du temps le force à quitter le Tréport où se trouvait le bâtiment et à venir chercher à Boulogne les secours qu'on lui refusait. Fut-il soupçonné de désertion par l'armateur ? A peine arrivé en notre ville, il se rend chez le père de cet armateur qui promet d'en parler à son fils. Ce fils a mauvaise tête semble-t-il. Du moins on apprend par une enquête que, se faisant suivre de quatre fusiliers d'un prochain corps de garde, il se met à la recherche de Joseph Dugast. Apprenant "qu'il se chauffe chez Mme Sauvage" il entre, sabre nu, dans cette maison, et, sans explication, en porte deux coups sur le bras du novice. D'un troisième coup il menaçait la tête lorsque l'intervention d'un voisin sauva la victime d'une morte certaine. C'est du moins ainsi que Dugast raconte l'aventure ; Mme Sauvage et deux autres témoins ne parlent que des coups de sabre sur le bras, "dont le sang jaillit abondamment". Dugast fut tellement saisi "qu'il n'eut la force ni de se plaindre ni de crier". La bonne Mme Sauvage veut le protéger, mais l'armateur, le fils Bray, l'insulte, la menace, et oblige la victime à le suivre chez son père (Arch. no 1563) [sic].

Notes

[copie du dossier envoyé par les archives communales de Boulogne sur Mer, reçu le 6 mai 2005]

Mots-clés

// procès
// Boulogne

Numéro de document

002240