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Ce que j’aurais aimé dire au rendez-vous du RVFFA

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Ce qui suit est un texte écrit à l’occasion de la clôture du congrès de fondation du nouveau Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique (RVFFA) afin de rendre aux 350 participants, en quatre minutes, mes impressions et mes sentiments sur cet événement singulier organisé du 29 au 31 octobre à l’Hôtel Le Concorde par la Ville de Québec et le Centre de la Francophonie des Amériques qui mettait en vedette deux grands conférenciers, Serge Bouchard et John Ralston Saul, ainsi que la jeune poète et auteure innue, Natasha Kanapé Fontaine.

Nous étions quatre à devoir rapporter : moi-même, Cyrille Simard, maire de la ville d’Edmundston, Sylviane Lanthier, nouvelle présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, et Mariette Mulaire, présidente-directrice générale du World Trade Center Winnipeg.

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En fin de compte, la séance s’est transformée plutôt en interrogatoire où chacun de nous fut invité à répondre à tour de rôle à la même question : « De votre perspective, quel est l’avenir du RVFFA ? » Même si j’aurais préféré, pour des raisons évidentes, que celui-ci porte le nom Réseau des villes d’héritage franco (ou, en anglais, car la composante anglaise est importante Franco Heritage Cities), comme les autres rapporteurs, je ne pouvais, sur le coup, que me prononcer de manière positive, sans toutefois déborder d’enthousiasme, sur cette initiative émanant de Régis Labeaume, George LeBlanc et Joey Durel, respectivement maires de Québec, Moncton et Lafayette.

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Voici, donc, si j’en avais eu la possibilité, ce que j’aurais dit, en 1 000 mots, à l’assemblée :

Il y a 20 ans, presque jour pour jour, j’étais à Sudbury, accompagné de 20 étudiants inscrits à mon cours Le Québec et l’Amérique française ­[offert à l’Université Laval]. Nous avons passé la soirée du Référendum avec des étudiants franco-ontariens dans leurs locaux à l’Université Laurentienne. Nous étions surtout des souverainistes, eux le contraire. Les uns prenaient ardemment pour le OUI, les autres espéraient de tout cœur le NON. Quand, en fin de soirée, lorsque, grâce au vote en provenance de Beaconsfield, Notre-Dame-de-Grace et Westmount, la flèche rouge a grimpé au-dessus de la flèche bleue sur les écrans de télévision, les Franco-Ontariens ont exalté. Vous pouvez imaginez la tension qui était de plus en plus palpable au fil des heures, ainsi que notre immense désarroi devant le résultat. Cette soirée référendaire restera gravée à jamais dans la mémoire de chacun de nous présent. C’est le genre d’expérience que nous devons faire vivre à nos jeunes. Les échanges paisibles et respectueux qui en ont découlé nous ont appris d’importantes leçons de la vie.

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 natashaComme Serge Bouchard, je parcours depuis 40 ans la Franco-Amérique, tantôt seul, tantôt avec mes étudiants. Hier matin, en écoutant Natasha Kanapé Fontaine, je me rappelais notre visite, nous et nos étudiants,  en novembre 1986, chez les Métis de l’île à la Crosse, dans le nord de la Saskatchewan et de leur visite à Québec peu de temps après. Là-bas, nous avons découvert rapidement que nous n’avions pas grande chose à nous dire. Le silence des inconnus ! Ici, un peu plus tard, un jeune homme excessivement costaud en mocassins s’est levé pour annoncer en anglais que la seule raison pour laquelle il était venu, c’est que sa vieille grand-mère avait insisté : « go to Québec, something important for our people happened there !

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John Ralston Saul voit juste quand il nous dit que les jeunes ne vont pas parler français par devoir. Il faut qu’ils y voient un attrait et une utilité. À l’extérieur du Québec, cela pourrait vouloir dire avoir la possibilité de travailler en français. Aujourd’hui, en Louisiane, comme au ROC (rest of Canada), il y a plus de jeunes scolarisés en français, immersion et autre, qu’à tout autre moment de l’histoire. Le nouveau Réseau pourra-t-il en absorber ou contribuer à la création d’emplois pour ceux ou celles qui désireraient gagner leur vie, ne serait-ce que partiellement, en français ?

Serge Bouchard aime raconter des histoires. Moi itou. Laissez-moi vous en raconter trois courtes :

J’ai rencontré Kent Bone, 23 ans, en 1978, à la Vieille Mine, au Missouri. Je l’ai invité à venir chez moi afin de connaître sa mère patrie et de plonger à fond sa généalogie et celle des autres familles de sa communauté. La première fois, il est resté 3 mois, les deuxième et troisième un peu moins. Ce qui devait arriver arriva. Il a déterré sa véritable identité (Beaulne) et a changé son nom officiellement. Ensuite, il s’est mis à apprendre le français qu’aujourd’hui, à 60 ans, il  parle couramment. Grâce à ce ressourcement au Québec, il est devenu un catalyseur pour un mini renouveau culturel chez lui, ce qui lui a mérité une place de choix sur la page couverture de ce livre.

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300 ans et nous sommes encore icitte !

Hier, j’ai rencontré ici même au Concorde Justin Morrow de Winnipeg. J’avais fait sa connaissance à Moncton il y a 5 ou 6 ans lors d’une activité organisée par le Centre de la Francophonie des Amériques. L’année précédente, il était venu à l’Université Laval jouer au football pour le Rouge et Or. Chose inattendue, il tombe amoureux de la langue française. De retour à Winnipeg, il fonde Canadian Youth for French qu’il a laissé  par la suite afin de travailler au World Trade Center de Winnipeg auprès de Mariette Mulaire. Son projet actuel est de « bilinguiser » le Canada anglais. Comme il m’a confirmé hier : « pour un jeune, venir au Québec, ça change une vie ! »

Je ferme les yeux et je vois mon étudiant, Sylvain Rémillard, à La Broquerie, au Manitoba, en octobre 1982, à genoux devant une pierre tombale où est inscrit en grosses lettres le nom RÉMILLARD. Larmes aux yeux, Sylvain se lève chuchotant révérencieusement, « ça me fait de quoi de voir mon nom sur une pierre tombale à 3 000 km de chez nous ». Les Québécois, de manière générale, ignorent la dimension continentale de leur culture.

Nos étudiants québécois, après avoir été emmenés en « milieu minoritaire » 20 fois en 22 ans, ne pouvaient plus voir le monde de la même façon. Comment le nouveau Réseau pourra-t-il encourager et assurer la mobilité des jeunes Francos d’Amérique ?

Assez d’histoires ! Je termine sur ceci. Hier, à l’une des tables anglaises, celle appartenant aux Rhode Islanders, le porte-parole, Monsieur Billington, a dit : We are small, we need to associate with some thing big. Ils perçoivent le Réseau comme étant BIG. Leurs attentes sont élevées ! À cette table se trouvait aussi un monsieur de Sudbury. En l’apprenant, Billington dit quelque chose comme « Hum, Sudbury, never heard of that ! »

What ! All of us here should have heard of Sudbury, just as all of us should have heard of Woonsocket. Neither of these places are hauts lieux du tourisme de masse. Ce sont cependant les lieux chargés de sens et de signification pour nous tous assis ici, tout comme Chéticamp, Falher, Zénon Parc, Marquette, Vincennes, Lewistown, Laramie et Mamou. Comment le Réseau va-t-il contribuer à notre éducation collective ?

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Tous ont été émus devant les propos de Serge Bouchard. Il nous faisait rêver. Il nommait les lieux, les noms magiques de la Franco-Amérique. Je les ai visités pour la plupart. Je vous souhaite de faire de même. Les Francos sont encore là. Le Réseau peut-il vous aider à vous y rendre et, une fois sur place, à prendre contact avec ceux et celles qui n’attendent que la visite.

Sans doute reviendrai-je à l’occasion sur le RVFFA et ses activités. En attendant, les intéressés auraient intérêt à consulter son nouveau site internet :

(www.villesfrancoamerique.com)