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Pierre Vagneux, l’AARQ et les Acadiens

IMG_3668Le dimanche 15 mai au Centre culturel Noël Brûlart de Sillery, les membres de l’Association des Acadiens de la région de Québec (AARQ) se réunissaient pour écouter un conférencier de marque, Pierre Vagneux, leur parler du Traité de Paris de 1763 et sa signification pour les Acadiens et pour la Louisiane.

Qui est Pierre Vagneux ? Un Québécois d’origine française habitant aujourd’hui Tewkesbury, à la suite d’un passage remarqué en Acadie à titre d’ingénieur à l’Université de Moncton au cours duquel il a eu l’occasion de se lier par alliance avec la famille Chiasson de l’île Lameque. Aussi, un homme engagé, ayant récemment présidé la Coalition pour l’arrondissement historique de Sillery et siégeant à présent comme administrateur à l’Association des citoyens et citoyennes de Tewkesbury.

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Aidé d’une belle-mère remarquable, c’est en 1993 que Vagneux amorce sa recherche sur les ancêtres de ses enfants. Petit à petit, cela prend de l’ampleur. Au Congrès mondial acadien de 2009, tenu à Caraquet, il est invité à prononcer une conférence sur les Chiasson d’Amérique. Ceux-ci réagissent avec enthousiasme en grand nombre à son propos de sorte que sa « banque de données » s’amplifie au point où, en 2012, il est en mesure d’aller beaucoup plus loin et plus en profondeur. L’année suivante, lors d’un séjour en Floride, il bifurque vers la Louisiane où il prononcera trois autres conférences devant 80 descendants de Chiasson. La même année, à Sillery, il assistera à une conférence prononcée par Sophie Imbeault, des Éditions du Septentrion, devant les membres de la Société d’histoire de Sillery, sur son livre, 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique, ce qui l’incitera à mettre ses données sur la famille Chiasson et d’autres en rapport avec ces bouleversements historiques qui mirent fin à une véritable Guerre mondiale.

1763Compte tenu de mes nombreuses lectures sur l’histoire de l’Acadie et des Acadiens et de plusieurs visites en Acadie et en Louisiane, j’étais certain de ne pas apprendre grand-chose de ce conférencier qui m’était inconnu. Or, plus je vieillis et plus les années passent, plus je me rends compte que ce ne sont pas nécessairement des chercheurs chevronnés de réputation nationale ou internationale qui fassent des interprétations innovatrices ou nous apprennent de nouvelles choses. Non, souvent, ce sont des chercheurs « hobbyistes », travaillant à temps perdu, de manière passionnée et intéressée qui déterrent des trésors insoupçonnés qui assouvissent notre soif de connaître.

IMG_3679Alors, qu’est-ce que j’ai appris au juste de la bouche Pierre Vagneux que je ne savais pas auparavant ? Au moins huit choses.

  1. L’arrivée de Cornwallis à la suite de la fondation d’Halifax en 1749 constituait un élément clé de la violence qui s’en suivrait. Celui-ci participait au troc des « scalpes », fixant une prime sur chaque bout de chevelure prélevé d’un Amérindien tué… ou d’Acadien, pas de différence !
  2. Le terme « choc des victoires », faisant référence aux résultats des batailles de Louisbourg, Québec et Montréal.
  3.  La stratégie de la Déportation était bien élaborée d’avance. Bien calculée, basée sur d’excellentes données recueillies sur le terrain, elle procédait par sélection préalable. Les Acadiens, les plus « difficiles », « militants » ou « menaçants » comme ceux de Chignectou, furent déportés aux destinations les plus lointaines: les Carolines et la Georgie. Les plus paisibles et probablement plus âgés « jouissaient » d’un exil plus proche, au Massachusetts, par exemple.
  4. Avant d’atteindre leur ultime destination en Angleterre, à Bristol, Falmouth et Southampton, certains déportés passaient obligatoirement par la Virginie y subissant des injures, insultes et barbaries.
  5. Lors de la deuxième Déportation de 1758, il y a eu 56% de perte. Autrement dit, plus que la moitie de cette population résiduelle de la première Déportation a disparu.
  6. Beausoleil Broussard et ses compagnons de voyage, relâchés de la prison d’ile George, ne visaient pas le pays des bayous, mais plutôt les Pays des Illinois. En arrivant à la Nouvelle-Orléans, ils avaient pour but de monter le Mississippi prendre possession des terres fertiles de l’intérieur, mais l’accueil en Louisiane fut tel qu’ils ont changé d’idée.
  7. La répartition des Acadiens en 1800 : Louisiane (5 400), Maritimes (7 700), Québec (4 500)
  8. L’importance d’Haïti non seulement comme point de ravitaillement pour les Acadiens, comme Beausoleil, se dirigeant vers l’embouchure du Mississippi, mais aussi, 20 ans plus tard, comme point d’embarcation de la flotte française destinée à se joindre aux forces américaines, lors de la bataille victorieuse contre les Anglais à  Yorktown.

Ce que je savais, mais que la plupart des gens ne savent pas et que Pierre Vagneux nous a rappelés, c’est qu’il n’y a jamais eu de déportation d’Acadie vers la Louisiane. Le peuplement acadien de Louisiane s’est fait en trois vagues, toujours avec des étapes intermédiaires. Commençant en 1763, les prisonniers libérés à l’Île George, au large d’Halifax, dont Beausoleil Broussard et compagnie, sont transportés à Saint-Domingue. Ensuite, une deuxième vague en provenance de Pennsylvanie et du Maryland consistant largement  d’Acadiens de la région de Grand Pré. Enfin, le plus gros contingent d’Acadiens arrivera en Louisiane de France en 1785 dans sept navires nolisés par le gouvernement d’Espagne. Bon débarras pour la France et belles acquisitions pour l’Espagne désirant  coloniser ce territoire maudit hérité à la suite des ententes découlant du Traité de Paris!

Dimanche, je devais me faire accompagner à la causerie/conférence par Sophie Imbeault qui m’avait dit ne pas connaître Pierre Vagneux. Elle a dû se désister. Dommage ! Elle aurait appris de la bouche de Pierre Vagneux que s’il prononcait sa conférence devant les membres de l’AARQ, c’est parce qu’il avait été présent à la conférence prononcée par Sophie trois ans auparavant devant les membres de la Société d’histoire de Sillery. Inspiré, il a pu passer outre la famille Chiasson et élargir son champ de recherche. Comme de quoi, le monde des chercheurs en francophonie nord-américaine est petit!