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Vieux-Carré et Vieux-Québec, 35 ans plus tard

En 1979, j’ai publié dans les Cahiers de géographie du Québec un article intitulé « Vieux Carré et Vieux Québec : Vestiges urbains de l’Amérique française » dans lequel je comparais ces deux quartiers historiques déplorant le virage touristique qu’avait pris le premier et louangeant légèrement le maintien de l’authenticité historique et culturelle du deuxième.

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Vieux-Carré vu de l’International Trade Mart, circa 1978

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Vue aérienne du Vieux-Québec et ses environs, circa 1977

Je ne reprendrai pas ici le texte au complet. Contentons-nous de l’introduction et de la conclusion.

Introduction :

Pour un Québécois, se trouver à 3 000 km de chez lui sur des rues portant les noms de Chartes, Bourbon, Esplanade, des Ursulines et des Remparts est une expérience émouvante. Son ravissement risque cependant de devenir désarroi lorqu’il entendra les gens dans la rue « vociférer », avec un fort accent américin, ces doux noms français : Char-ters, Bur-bun, Esplan-aid, Ram-parts et St. Peter ! L’orgueil de ce Québécois, tout comme son oreille d’ailleurs, sera piqué à vif.Il se trouve à la Nouvelle-Orléans, dans le Vieux-Carré, la vieille ville française située au-dessous du niveau d’un Mississippi qu’il ne peut apercevoir, caché qu’il est par des levées alluviales et artificielles. Il vient de Québec, peut-être du Vieux-Québec, le berceau de la civlisation française en Amérique,une cité vieille de 370 ans, construite à trois niveaux autour et sur un promontoire rocheux qui s’élève à 125 mètres au-dessus du Saint-Laurent. Dans ces deux vieilles cités (Vieux-Carré et Vieux-Québec) qui ne forment plus aujourd’hui que de petits quartiers submergés dans des grandes agglomérations, se trouve une substance physique et spirituelle qui leur accorde un charme et unesplendeur rappelant les grands explorateurs français d’autes fois et l’existence d’une Amérique française s’étendant, en amont, sur les rives du Saint-Laurent, depuis le golfe jusqu’à Montréal, puis à travers la vallée de l’Outaouais jusqu’aux Grands Lacs, et de là, au Golfe du Mexique en passant par la vallée du Mississippi.

Depuis quelques années la singularité de ces villes intra-muros est devenue un objet vendable, nécessitant de fait l’intervention publique afin de freiner les projets parfois trop ambitieux des promoteurs. On peut discuter longuement sur l’efficacité de ce freinage. On se demande d’ailleurs aujourd’hui jusqu’à quel point le Vieux-Carré et le Vieux-Québec sont des vestiges urbains authentiques de l’Amérique française ?

Conclusion :

Certes, le Vieux-Québec et le Vieux-Carré sont des endroits sans pareils. Constituent-ils des vestiges urbains de l’Amérique française ? En dépit de toute la rhétorique d’un « Disneyland nordique », on peut répondre dans l’affirmative pour le Vieux-Québec. Pour l’instant il est le symbole d’un passé, d’un présent et d’une culture vivante. Bien sûr, il existe des cancers au sein du Vieux-Québec, dont Place Royale, un artefact rappelant le passé mais ne le symbolisant guère et encore moins le présent. Ce diagnostic est encore plus précis pour le Vieux-Carré ! Ce qui se passe à Place Royale et un peu partout dans les rues et ruelles les plus fréquentées du Vieux-Carré constitue l’appropriation de la culture pour des fins commerciales. L’utilisation des formes culturelles vidées de tout rapport organique avec leur contenu est non seulement absurde, mais elle entraine l’aliénation. Aux yeux de plusieurs, le French Quarter est aussi français que Ronald McDonald !

Trente-cinq ans plus tard, force est de constater qu’à Québec, la vieille ville n’est plus l’ombre d’elle-même. Elle a pris la voie du Vieux-Carré. Sa population résidente continue à diminuer, chassée par l’envahissement constant de touristes à la recherche de sensations fortes, de la bonne bouffe et de l’éternel t-shirt. Essayez d’y trouver une école publique ou une épicerie ! Aux yeux de certains, le Vieux-Québec, est aussi québécois que Red Bull.