Document : 1773-05-13a

Références / localisation du document

BM Bordeaux, MS 1480, f°319-326 // f° 171-175 // BM Bordeaux, Manuscrit MS 1480, Annexes, 1er Dossier : Mémoire et lettres de 1766 à 1774.

Date(s)

1773-05-13a

Auteur ou organisme producteur

Lemoyne

Destinataire

contrôleur général (Terray) [une copie est envoyée à Destouches, Secrétaire de Terray, le 13 mai ; cf. @ 212]

Résumé et contenu

"Mémoire historique sur les Acadiens".

Titre : Mémoire historique sur les Acadiens. Mai 1773.

L'objet du document est de répondre à la question : "à quel titre les Acadiens méritent-ils les bontés du Roi", en dressant l'historique de leur existence en Acadie depuis le Traité d'Utrecht et depuis qu'ils en ont été chassés.
Le document retrace les origines et les détails du "Grand Dérangement" et insiste sur la grande fidélité des Acadiens tout au long de ces tribulations.
Description détaillée du rassemblement des Acadiens et du vieillard qui offre sa poitrine par fidélité au Roi et à la France, et passe par l'Angleterre où il insiste sur les promesses faites par le gouvernement ; le texte plaide pour un établissement des Acadiens plus que pour la continuation des secours que de toute façon le gouvernement ne peux pas interrompre sans se déshonorer. A noter la distribution des secours dès 1751 à L'île Saint-Jean.
Rumeur contre les Acadiens qui dit qu'ils ont mis la tête des Anglais à prix. Lemoyne démontre que ce n'est pas vrai puisqu'ils ont sauvé de nombreux Anglais lorsqu'ils étaient en Acadie, de la cruauté des sauvages.
Allusion au refus du Roi de permettre le passage des Acadiens en Louisiane.
Rien sur regroupement / dispersion ; perceptions : rumeurs contre les Acadiens ;

----
résumé détaillé :
Le récit débute en Acadie en 1713. Les Acadiens n'acceptent le régime anglais qu'avec le privilège de neutralité, et ils envoient des émissaires à Québec pour assurer le roi qu'il n'aura jamais de meilleurs sujets.
Attachement à la France : " Ils ont regardé comme un de leurs premiers devoir de perpétuer parmi eux ces sentiments d'attachement et de les inculquer à leurs enfants, comme les seuls principes et la règle inviolable de leur conduite ". Aide logistique au duc d'Anville - leurs problèmes ont été renouvelés à cause de leur conduite.
Les Anglais ont essayé de les détourner de leur attachement à la France (ruses, fausses promesses).
ACADIENS DE L'ILE ROYALE : En 1751 et 52, beaucoup de familles réfugiées à l'île Saint-Jean (on leur distribue des terres et on les secourt). Après la prise de Louisbourg, déportation des habitants, 14 bâtiments de transport, naufrage de trois bâtiments (360 à 380 personnes mortes en mer). Arrivée en France entre 1758 et 1759. Beaucoup de morts pendant et après la traversée.

ACADIENS d'ACADIE : Prise de Beauséjour [fort Français construit à la frontière] en 1755. Désarmement des Acadiens qui sont rassemblés dans deux lieux : " le fort où commandait le général Moncton " (pour les Acadiens de Beauséjour) et à Halifax pour les autres Acadiens.
Rassemblés, on leur dit qu'il faut prêter serment de fidélité à l'Angleterre et prendre les armes pour les Anglais. Prière courte des Acadiens, puis les vieillards disent : nous voulons bien prêter à nouveau le serment de fidélité, mais voulons rester neutres et pas prendre armes contre la France. Boscawen tire son épée : " quelle insolence, etc? ". Vieillard découvre sa poitrine. Pression sur les Acadiens, mais rien n'y fait.
Boscawen arrête tous les Acadiens, brûle les maisons, pillage, et fait passer en Nouvelle-Angleterre.
Certains s'échappent dans les bois et passent à l'île Saint-Jean après un hiver affreux. De là ils passent en France, comme vu plus haut. D'autres passent à Québec. Après la prise du Canada, " les pauvres restes de la nation " (760 personnes) ont signé un traité (condition : ne pas porter les armes contre la France). Certains sont également repassés en France.

ACADIENS en ANGLETERRE : après la prise de Québec, rassemblement d'Acadiens envoyés en Angleterre restés en prison. Refus des Acadiens des offres qui leur sont faites par les Anglais de repasser en Acadie. Envoi d'un député à Nivernais. Nivernais a demandé conseil en France.

PROMESSES DU ROI. On lui a répondu que " le Roi les prenait sous sa protection et leur promettait de les faire établir dans son royaume ". 2000 à 2300 sont sortis des prisons [erreur manifeste]. " Il fut ordonné par le Roy que jusqu'à ce qu'ils eut été pourvu à leur établissement, il leur serait donné six sols par jour et par tête pour leur subsistance. "

COMBAT CONTRE LES PREJUGES DONT SONT VICTIMES LES ACADIENS. Si cela ne suffit pas à prouver la fidélité des Acadiens, que dire de plus ? Répète qu'ils ont tout sacrifié, etc? et que loin de mettre à prix la tête des Anglais, comme on les accuse, ils ont sauvé la vie de plusieurs Anglais [avant la déportation cependant, c'est sous-entendu]. Il faut mettre fin aux préjugés, ils sont dévoués et passionnément attachés à la France. Ils ne demandent qu'à s'établir.

Notes : ce document semble peut-être écrit à partir du rapport de Le Loutre à de Boynes en 1771 (@ 000094) dont Lemoyne avait une copie (ce qui est prouvé par la copie qui figure dans le MS 1480). Le récit semble en effet suivre assez strictement le rapport de Le Loutre

Allusion à une diminution de solde des Acadiens en 1767. (cf. fiche @ 000115)

DEFENSE DES ACADIENS : les Acadiens ne doivent pas être accusés de paresse, etc. Ils ont fait ce qu'ils ont pu, mais 6 sous par jour c'est peu pour se nourrir, se loger, se vêtir, etc?

ETRANGERS : " qu'étrangers, surabondants, dans des lieux où les habitants naturels trouvaient à peine du travail, ils n'ont pu profiter que de l'excès du besoin de bras que les moments présentaient (?) ce qu'ils ont fait ; ils se sont offerts à tout et ils n'ont rien refusé ". Même les nobles ont travaillé. Ils n'ont fait qu'obéir et devaient toujours se tenir prêts à partir pour s'établir [ce qui leur posait problème, sous -entendu].

PRESENTATION DU PROJET D'ETABLISSEMENT : le projet présenté aujourd'hui a déjà été présenté il y a 5 ans, et il ne sait pas pourquoi il a été rejeté. Si on ne l'applique pas, la dépense (inutile) continuera.
" En employant les moyens et l'économie proposés dans les différents mémoires remis par M. Lemoyne Comm[issaire] G[énéral] de la marine, l'Etat peut en six années seulement atteindre sans augmentation de dépenses le but que la bonté de c?ur du roi s'est proposé. "

LE ROI NE PEUT PAS LES ABANDONNER APRES AVOIR REFUSE QU'ILS PASSENT EN LOUISIANE. Le Roi a refusé la demande des Acadiens de passer en Louisiane. Dépenses depuis 1763 : 300 000 Livres. Lemoyne demande 180 000 livres en 3 ans (au lieu de 6) pour décharger l'Etat des Acadiens.

Mot clés : NATION - ETRANGERS

__________________________

Titre : Mémoire historique sur les Acadiens
Mai 1773.

En marge : "M. Le Contrôleur général prévenu contre les Acadiens sur des mémoires (?) rapports (?) à lui faits".

Il est intéressant de faire connaître par quelle conduite, par quels sacrifices, en un mot à quels titres les Acadiens méritent les bontés du roi. L'historique de leur existence en Acadie depuis le traité d'Utrecht et depuis qu'ils en ont été chassés remplira l'objet.
La conduite de ces Français depuis leur établissement dans l'Acadie a été une preuve continuée de leur attachement au roi, à leur patrie, à leur religion [signe :|: = probablement changement de paragraphe].
L'Acadie fut cédée par le traité d'Utrecht à l'Angleterre ; les Acadiens ne voulurent se soumettre aux Anglais qu'après avoir obtenu le privilège de neutralité et de ne jamais porter les armes contre la France.
Cette condition acceptée, ils envoyèrent des députés au gouverneur de Québec pour l'assurer que quoique la nécessité les eut forcés à se soumettre, le Roi de France n'aurait jamais de meilleurs sujets, dans aucun lieux de son obéissance. Ils ont regardé comme un de leurs premiers devoir de perpétuer parmi eux ces sentiments d'attachement et de les inculquer à leurs enfants, comme les seuls principes et la règle inviolable de leur conduite. Lors de l'expédition de M. le duc Danville, ce peuple jouissait depuis le traité d'Utrecht dans la plus grande liberté en franchise de terrains immenses, de la plus grande abondance en grains, et d'innombrables troupeaux ; la fertilité de la terre qu'ils exploitaient, répondait surabondamment à leurs travaux. A l'arrivée de M. le duc Danville, ils s'empressèrent d'envoyer à bord de ce général tout ceux d'entre eux les plus experts pour le pilotage des côtes, et à toute l'escadre des bestiaux, des volailles, des légumes et des raffraichissements de toute espèce, avec profusion. Cela évenement est l'époque du renouvellement des maux qu"ils avaient éprouvés après la paix d'Aix la Chapelle.

Le nombre des Acadiens lors de cette paix était de près de 20 000. Il n'eut pas de moyen que les Anglais n'ayant mis alors en usage pour se les gagner : les plus belles promesses, les sommes d'argent offertes, les ruses les plus recherchées, les outrages et les vexations les plus sanglantes, l'enlèvement de leurs missionnaires, la dispersion de leur famille, tout fut essayé.
En 1751 et 52 quantité de familles, pour se soustraire à la fureur dont leur fidélité pour la France animait les Anglais, se réfugièrent à l'Isle Saint-Jean, où on leur distribua des terres, qu'ils établirent à l'aide des secours que le Roi leur fit distribuer, en attendant leurs récoltes.
A peine ces familles commençaient à jouir de leurs travaux que par la prise de Louisbourg, cette île passa sous la domination anglaise ; le plus grand nombre fut entassé dans quatorze bâtiments de transport, dont trois chargés de 360 à 380 personnes périrent en mer, les autres arrivèrent en France à la fin de 1758 et au commencement de 1759. La misère qu'elles avaient souffert dans ces Bâtiments [pendant la traversée, barré], en avait fait périr beaucoup pendant le voyage [en grand nombre]. La mortalité continua et fut considérable après leur débarquement, malgré les secours abondants qui leur furent donnés.
En 1755, les Anglais prirent le fort de Beauséjour que le gouvernement du Canada avait fait construire à la frontière. Le fort pris, les Anglais désarmèrent dans toute l'Acadie les Français [ce mot existe dans le brouillon, mais pas dans cette version] Acadiens, quoi qu'ils eussent gardé leur neutralité ; et sous le prétexte de confirmer et ratifier leurs privilèges, ceux de Beauséjour eurent ordre de se rendre au fort où commandait le général Moncton et ceux de Beaubassin, du Port Royal, des mines et autres lieux eurent celui de se rendre à Halifax où commandait l'amiral Boscawen.
Sitôt que les Acadiens furent rassemblés dans ces forts, les commandants leurs signifièrent qu'il fallait prêter serment de fidélité au Roi d'Angleterre et prendre les armes pour les Anglais. L'amiral Boscawen outra les procédés. A la signification qu'il fit de cet ordre, tous les Acadiens se jetèrent à genoux et après une très courte prière, les vieillards se levèrent et prenant la parole pour tous, dirent "nous avons prêté le serment de fidélité, nous sommes prêts à le renouveler, mais nous voulons conserver le privilège de neutralité et jamais nous ne prendrons les armes contre la France". A cette réponse, l'amiral tout en fureur tira son épée et s'écria : "quelle insolence, je ne sais ce qui m'empêche de vous passer mon épée au travers du corps". A cette menace, un des vieillards découvrit sa poitrine et lui dit "frappez si vous l'osez ; vous pouvez tuer mon corps, mais vous n'avez aucun pouvoir sur mon âme et vous n'arracherez jamais de mon c?ur mon attachement pour ma religion ni ma fidélité pour mon premier et légitime souverain Louis". A l'instant l'Amiral fait entrer des soldats baïonnette au bout du fusil, fait entourer les Acadiens et les menace du feu d'une artillerie chargée à cartouche ; mais rien n'ébranle la constance de ces braves gens.
Le général ne pouvant rien gagner sur eux les fait transporter sur une île et les autres sur des vaisseaux, ou ces malheureux insultés et maltraités par les soldats, se virent dans le plus grand risque de mourir et de faim et de froid. Après cette opération, l'amiral envoya dans toutes les paroisses pour y enlever les hommes, les femmes et les enfants qui pouvaient y être restés et les faire conduire dans différentes forteresses, après avoir fait mettre le feu à leurs établissements et fait piller leurs hardes, leurs meubles et leurs bestiaux ; il les fit ensuite passer à la Nouvelle Angleterre. Les familles qui purent s'échapper allèrent se cacher dans la profondeur des bois où elles passèrent l'hiver le plus rude dans la misère la plus affreuse et se réfugièrent en 1756 à l'Isle Saint-Jean, d'où le plus grand nombre fut transporté en France comme nous l'avons dit et les autres se sauvèrent à Québec dans différents lieux le long des côtes où elles restèrent jusqu'à la prise de Québec [n'apparait pas : une partie fut transportée à Québec et les autres dans différents lieux le long des côtes où elles restèrent jusqu'à la prise de Québec].
Après la prise du Canada, les pauvres restes de la nation se voyant sans ressources, 760 des leurs étant déjà morts de faim, consentirent à un traité, mais ne se rendirent que sous la condition, acceptée, de ne jamais porter les armes contre la France, où par divers moyens plusieurs sont [ou ont] encore repassés.
Ce récit, quelque intéressant qu'il soit, n'est qu'un très faible tableau de tous les maux auxquels leur fidélité à la France les a livrés.
Un nombre de familles dispersées furent après la prise de Québec rassemblées par les Anglais et envoyées en Angleterre où elles [s]ont restées en prison jusqu'à la paix. A ce moment, il n'y en existait plus que deux mille deux à trois cents. Un très grand nombre était mort de misère. Les Anglais renouvelèrent leurs sollicitations et leurs caresses, pour les engager à repasser en Acadie, mais le peuple constant refusa toutes les offres qui lui furent faites. Il envoya des députés à M. le duc de Nivernais lors ambassadeur à Londres, pour lui présenter le désir ardent qu'ils avaient de vivre et mourir sous les lois de leur légitime maître. Cet ambassadeur instruit de la conduite qu'ils avaient tenue, de tout ce qu'ils avaient souffert, touché de leur attachement pour le Roy, écrivit, et eût pour réponse qu'ils eussent à repasser en France, que le Roi les prenait sous sa protection et leur promettait de les faire établir dans son royaume. En conséquence deux mille deux à trois cents sortirent des prisons (plusieurs y étaient détenus depuis huit ans ; ils passèrent en France et il fut ordonné par le Roy que jusqu'à ce qu'ils eut été pourvu à leur établissement, il leur serait donné six sols par jour et par tête pour leur subsistance.
Si les faits qu'on vient de rapporter ne prouvent pas la constance la plus ferme dans leur dévouement au Roi, quelles preuves est il possible d'en donner ? Dans tous les temps ils y ont tout sacrifié ; ceux qui existent encore peuvent, outre l'abandon de leurs biens, présenter la perte de leurs pères, de leurs parents, dans les tourments, dans les prisons, et dans la suite de la misère que leur fidélité leur a fait préférer a toutes les aisances dont les anglais voulaient les combler. Que l'imputation horrible qu'on fait, qu'ils ont mis à prix les têtes des anglais, soit vue comme elle doit l'être, comme le trait de la plus grande humanité puisque le prix qu'ils avancèrent de leurs bourses pour la remise des prisonniers vivants a sauvé la vie à plusieurs milliers d'Anglais et qu'il n'y a eu que ce moyen pour arrêter la fureur des Sauvages, qui avant n'en épargnaient aucun. Que tous préjugés contre eux cessent ; le fond de leur manière d'être est l'honnêteté, l'humanité des m?urs pures, un attachement poussé jusqu'au fanatisme pour la France, voilà quels ils sont dans la plus exacte vérité. Peut-il être des titres plus forts pour mériter de l'Etat. Quelle compensation, quelle récompense ce peuple demande-t-il ? Les moyens de gagner la vie à la sueur de son corps. Ils n'interprètent pas au delà les promesses que Mr le Duc de Nivernais leur a fait de la part du Roi.
Il semblait que la grâce accordée pour leur subsistance devait au moins être inattaquable. Cependant, vers 1767, la nécessité d'aller au secours de sujets rentrés en France détermina pour ne pas être de nécessité à demander un supplément de fonds à réduire la subsistance des enfants à 3 s., ce qui a subsisté, quoique le pain ait au moins tiercé en sus de son prix.
[un passage qui n'apparait pas dans le brouillon, très proche d'un passage de la lettre à l'abbé de L'Isle Dieu, voir fiche # 000208] :
On ne fera point à ce peuple le reproche qu'il n'a pas mis à profit les secours que le Roi lui a accordé depuis 1758 et qu'il ne doit qu'à sa nonchalance et sa paresse le malheureux état dont il se plaint, si on fait attention que ce secours n'était que de 6 s. et que ces 6s devaient leur fournir le pain, le vêtement, le logement et les dépenses extraordinaires qu'exigeaient les maladies, qu'étrangers, surabondants, dans des lieux où les habitants naturels trouvaient à peine du travail, ils n'ont pu profiter que de l'excès du besoin de bras que les moments présentaient (?) ce qu'ils ont fait ; ils se sont offerts à tout et ils n'ont rien refusé. Des hommes nés riches, n'ayant point été élevés au travail, se sont livrés aux travaux les plus abjets, pour secourir leurs familles. Des gens de condition, on peut même dire de qualité (les D'Antremont) se sont vus réduits à cette cruelle nécessité.
D'ailleurs, jamais ce peuple n'a été maitre de se diriger ; sa conduite a toujours été prescrite, il n'a pû sortir de l'enceinte qui lui était tracée ; toujours retenu par l'ordre de se tenir prêt pour se transporter sur les terrains qui désirent leur être concédés, toujours ignorant quelles vraie destination leur pouvait être donnée au moment ; que pouvaient-ils entreprendre ? Ils ont obéi, l'obéissance ne peut être une faute.

Il n'a encore été rien statué quant à leur établissement. Sans doute qu'il n'a pas été présenté de projets praticable et que celui présenté aujourd'hui, indiqué il y a cinq ans, n'a pas frappé et a été confondu avec ceux rejetés. Ce projet est connu aujourd'hui, il a été vu, examiné, discuté, il est jugé remplir toutes les vues du gouvernement. Quoi pour arrêter ? Il est certain que si on ne le met à exécution les secours de subsistance qu'on ne peut supprimer, sans déshonorer le gouvernement, sera indispensable, tant qu'il existe de ces respectables malheureux, et l'Etat ne cessera d'être chargé d'une dépense qui ne remplis pas ses vues, puisqu'elle ne tire pas de la misère la plus grande des sujets qu'elle ne retire pas de la misère la plus grande des sujets qu'il doit et veut récompenser.
En employant les moyens et l'économie proposés dans les différents mémoires remis par M. Lemoyne Comm[issaire] G[énéral] de la marine, l'Etat peut en six années seulement atteindre sans augmentation de dépenses le but que la bonté de c?ur du roi s'est proposé.
Le Roi lui même a parfaitement jugé que ce peuple ne pouvait être abandonné, qu'il fallait au contraire tenir les promesses qui lui ont été faites de sa part, puisqu'il s'est refusé à la demande, que ces malheureux forcés par la misère et sentant que la charge dont ils étaient à l'Etat paraissait les rendre désagréables, faisaient de passer à la Louisiane sous la domination espagnole, et a ordonné qu'il fut pourvu à leur établissement.
La dépense annuelle pour la subsistance a montée à plus de 300 000 livres et depuis la paix l'on n'a rien entamé pour les établissements promis, ce qui est proposé aujourd'hui remplis les deux objets.
Qu'il soit destiné une somme de 180 000 livres, au lieu d'être donnée en six ans, quelle soit assignée en trois, que cette somme soit économisée ainsi qu'on le propose, il est démontré que l'Etat sera déchargé de toute sollicitudes sur ce peuple qu'il aura rempli vis à vis de lui tout ce qu'il a osé espérer en compensation des sacrifices qu'il a fait, et qu'il aura récompensé sa fidélité en lui assurant tout le bien être qu'il désire et qu'il espère de ses forces et de son industrie.

Notes

Il y avait une copie aussi dans les pièces annexes, moins complet cependant, et sous forme de brouillon) ; reprise du texte avec le texte du registre et modifications. ; texte proche de la lettre à l'Isle-Dieu @ 208 ;
Ce document est plus complet que le brouillon et sans fautes, j'ai supprimé la fiche @ 210 qui contient quelques variantes (au moins une - celle des Français Acadiens].

remarquer la désignation des Acadiens comme Français (X 2)
utilisation de dialogues dans le texte
L'auteur de ce mémoire est peut-être Lemoyne lui-même ou a été envoyé à Lemoyne, mais comme il s'agit d'un brouillon dont nous n'avons pas la fin, la première hypothèse semble plus plausible.

Distribution de secours déjà dans l'Île Saint-Jean en 1751-2 pour les familles acadiennes qui choisissent de quitter l'Acadie pour se réfugier dans cette île [0165.jpg].

Notes de Martin sur le Ms 1480 [tiré de l'inventaire des bibliothèques]:
Extrait de Martin :
Bibliothèque de la ville de Bordeaux: un registre Ms 1480 intitulé : Recueil de pièces relatives aux Acadiens. Ces pièces sont pour la plupart des minutes de lettres ou de mémoires, des copies, des brouillons, etc., dont l'inventaire (qui se trouve au catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, départements, tome XL, supplément, t. I, Paris, 1902, p.598-601) est précédé de l'indication suivante : "M. Lemoyne, commissaire de la Marine à Nantes [sic] ayant été chargé par le gouvernement du soin d'établir en France les Acadiens expulsés du Canada en 1755 par les Anglais, avait formé ce recueil. Il contient la copie des mémoires, lettres ou rapports relatifs aux divers projets ayant pour but de venir en aide à ces réfugiés. On y a joint deux dossiers, l'un de documents provenant également des papiers de Lemoyne, l'autre de copies faites par M. Céleste de lettres retrouvées par lui dans les archives du commissariat de la marine à Bordeaux. Les documents que renferme ce volume sont au nombre de 66..." Le fait que Lemoyne ait pris la peine de constituer ce volumineux dossier indique assez l'importance que ce haut fonctionnaire de la marine (il était commissaire général et fit même fonction d'intendant) attachait à sa mission vis-à-vis des Acadiens. Nous avons pu vérifier, en les confrontant avec les originaux, l'authenticité d'un grand nombre des copies de ce registre ; on peut donc ajouter foi à l'ensemble de son contenu.

DSCN0164.JPG et suivantes.

Mots-clés

// "Français Acadiens"
// désignation des Acadiens comme Français (2 fois dans le texte) et comme "Français Acadiens" (cf. notes)
// patriotisme acadien
// début des secours pour ceux qui sortent des prisons d'Angleterre : promesse du Roi
/

Numéro de document

000001