Document : 1800-09-27

Références / localisation du document

AGI, Papeles Procedentes de Cuba, legajo 217B, folio 112-113

Date(s)

1800-09-27

Auteur ou organisme producteur

Peyroux de la Coudrenière

Destinataire

gouverneur de Louisiane ?

Résumé et contenu

Notes sur l'arrivée et le séjour en Louisiane de M. Henri Peyroux de la Coudrenière.

résumé court :
Peyroux raconte assez dans le détail ses opérations à Nantes en 1783-1785. Raconte comment il a motivé les Acadiens qui désiraient depuis longtemps aller en Louisiane mais à qui on avait toujours refusé l'autorisation de partir. Plusieurs étaient retournés en Acadie via Guernesey [Jersey plus sûrement]. A dû donc convaincre les Acadiens d'abandonner le projet de retourner en Acadie (raison : patriotisme et religion). Détails ensuite sur ses opérations à Paris ; attente de la réponse, voyages en Bretagne, Normandie, ce qui a occasionné à Peyroux beaucoup de dépenses. Arrivé en Louisiane, il ne s'estime pas assez bien traité. On lui donne un poste qui ne lui plait pas, on lui confie ensuite une mission aux Etats-Unis où on ne lui rembourse pas tous ses frais. En 1800, date de la lettre, il espère toujours qu'il sera dédommagé.


Résumé long :
Peyroux raconte qu'il était à Paris en 1783. Il forme le projet de faire passer à La Louisiane 3000 Acadiens. Se rend à Nantes. D'après ses informations, les Acadiens " désiraient beaucoup de passer en ce pays où beaucoup de leurs parents s'étaient établis, et se trouvaient bien ". Les Acadiens disent que toutes les tentatives faites furent infructueuses. Protecteur : duc d'Aiguillon, mais Louis XV n'a jamais voulu qu'ils partent. Voyant cela, plusieurs familles se sont retirées furtivement à l'île de Guernesey et de là à l'île Saint-Jean, à Halifax, et autres ports de l'Acadie. Ceux qui restaient en France voulaient les suivre car ne pouvaient pas vivre avec 3 sols par jours.
Peyroux s'affiche comme bon patriote : son projet avait pour but d'éviter que les Acadiens deviennent sujets anglais et protestants. Motive les Acadiens en leur disant que les temps avaient changé (nouveau roi, nouveaux ministres) et qu'il parviendrait à leur obtenir la permission de quitter la France et un bon traitement de la part du gouvernement espagnol. " Enfin j'ajoutai que puisqu'ils étaient dans la résolution de s'expatrier, l'honneur et la religion devaient les obliger de renoncer à retourner en Acadie, et de préférer une nation amie de la France et dont les Rois étaient du même sang ". Leur parle de leurs parents installés dans la basse Louisiane et qui y sont bien. Fait signer une requête à Aranda (ne mentionne pas à une seule reprise le nom de Terrio). Pars pour Paris, présente la requête à Aranda, avec un mémoire particulier sur leurs malheurs ; Aranda accueille avec bonté le mémoire, l'envoie en Espagne, mais rien ne se passe pendant quatre ou cinq mois ; arrivée de M. de Galvez, gouverneur de Louisiane, à Madrid, appuie le mémoire, ce qui décide le Roi à accepter. Mais il fallut ensuite le consentement de la Cour de France, et enregistrer les noms, etc. Tout cela prit deux ans.
Pendant la négociation, fit beaucoup de dépense ; voyages en Bretagne, en Normandie, à Paris ; ne s'inquiète pas car promesse du ministre des Indes ; difficultés de Peyroux à quitter la France ; n'a pu obtenir de passeport pour son épouse et lui qu'avec le consentement du Comte de Vergennes, ministre des affaires étrang@¨res.

Détails ensuite sur l'arrivée de Peyroux à la Nouvelle-Orléans. Obtient le plus mauvais poste de la colonie, à Sainte-Geneviève des Illinois. Affirme avoir enrichi le poste, etc. En 1792, il est chargé d'une commission pour aller recruter des étrangers aux Etats-Unis. En 1794, est revenu mais n'a pas obtenu les récompenses promises. On lui offre le poste des Attakapas " par une sorte de plaisanterie ". Retour aux Illinois. Etablissement de Salines, etc. Nommé ensuite à la Nouvelle Madrid ; espère toujours une récompense.


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Etant à Paris en 1783 et ayant formé le projet de faire passer en Louisiane trois mille acadiens répandus dans quelques ports de la Bretagne, je me rendis à Nantes pour savoir si ces gens y étaient disposés. D'après mes informations, j'appris qu'ils désiraient beaucoup de passer en ce pays où beaucoup de leurs parents s'étaient établis, et se trouvaient bien. Ils me dirent que toutes les tentatives qu'ils avaient faites pour en obtenir la permission avait été infructueuses, que le duc d'Aiguillon s'était même intéressé en leur faveur ; mais que S. M. Louis XV n'avait jamais voulu y consentir, que voyant cela, depuis la paix, plusieurs familles acadiennes de Nantes et de Saint-Malo s'étaient retirées furtivement à l'île de Guernesey et de là avaient passé à l'île Saint-Jean, à Halifax et autres ports de l'Acadie ; que ceux qui restaient en France s'étaient disposés à les suivre, ne pouvant pas vivre avec la pension de 3 sols par jour que le roi faisait à chaque individu.
Ces informations me donnèrent une nouvelle ardeur pour réaliser mon projet en bon patriote ; je voyais avec peine que ces Acadiens allaient peu à peu devenir sujets du Roi d'Angleterre et que leurs enfants deviendraient les ennemis naturels de leur ancienne patrie ; c'est ce que je leur exposé [sic], ainsi que l'article de la Religion qui faisait encore quelques impressions sur eux. Je les exhortai à prendre courage, que les temps étaient changés : qu'un nouveau Roi, et des nouveaux ministres étaient à la tête des affaires et que s'ils voulaient suivre mes conseils et avoir de la confiance dans mes bons offices j'espérer [sic] leur obtenir non seulement la permission de quitter la France, mais encore un traitement très favorable de la part du gouvernement espagnol. Enfin j'ajoutai que puisqu'ils étaient dans la résolution de s'expatrier, l'honneur et la religion devaient les obliger de renoncer à retourner en Acadie, et de préférer une nation amie de la France et dont les Rois étaient du même sang. Je leur dis encore que j'avais connu leurs parents dans la basse Louisiane et qu'ils y jouissaient d'un sort très heureux. D'après les promesses et la confiance de ces gens je fis une requête adressée à S. Ex. le Comte d'Aranda, ambassadeur d'Espagne à la Cour de France ; je la fis signer par cinq ou six pères de familles et leur recommandai de garder le secret sur le sujet de cette requête. Je partis aussitôt pour Paris et à mon arrivée je présentai à S. Exc. cette requête des Acadiens, en y joignant un mémoire particulier sur les malheurs des Acadiens, et le bien qu'ils pourraient faire à la Louisiane. Monseigneur le comte d'Aranda accueillit avec bonté la requête et le mémoire et les envoya à sa cour. Quatre ou cinq mois se passèrent jusqu'à l'arrivée de M. de Galvez, gouverneur de la Louisiane. Ce gouverneur appuya ce que je disais dans la requête et le mémoire, et assura que les Acadiens répandus dans la Bretagne seraient une bonne acquisition. Aussitôt le Roi accorda à ces gens tout ce qu'ils avaient demandé par leur requête. Mais comme il fallut le consentement de la Cour de France, enregistrer le nom de ceux qui voulaient partir, et prendre des arrangements avec les armateurs, cette négociation dura deux ans, jusqu'à l'époque de leur départ de Nantes et de Saint-Malo qui fut en 1785.

Pendant cette négociation je fis beaucoup de dépenses pour la faire réussir ; mes voyages en Bretagne, en Normandie, mon séjour à Paris et autres dépenses consumèrent la majeure partie du peu de fortune que je possédais ; mais plein de confiance dans la générosité du gouvernement espagnol, je n'en avais aucun soucis. Cette confiance augmenta par l'assurance du ministre général des Indes qui manda à S.E. le comte d'Aranda qu'aussitôt mon arrivée à la Nouvelle-Orléans je pouvais demander une des premières places, soit dans le civil, soit dans le militaire ; et qu'elle me serait accordée. Cependant, comme le départ des Acadiens n'était pas du goût des subdélégués de la Bretagne, de l'intendant et du contrôleur des finances, j'éprouvai beaucoup de contretemps et je n'aurais pu réussir à obtenir un passeport pour mon épouse et pour moi sans monseigneur le Comte d'Aranda qui l'obtint du Comte de Vergennes ministre des affaires étrangères.

A mon arrivée à la Nouvelle-Orléans je fus à la solde du Roi et je demandai la paye et le grade de capitaine d'infanterie avec le commandement d'un poste. Ma commission de capitaine fut signée à Madrid le 9 avril 1786, mais comme la nomination du commandant des postes était à la disposition de M. Miro, j'obtins de lui le commandement du plus mauvais poste de la colonie, c'est celui de Sainte-Geneviève des Illinois.
Je l'acceptai sans murmure, ma paye n'étant pas suffisante pour me faire vivre à la Nouvelle-Orléans. Pendant les six années que j'ai commandé à Ste. Geneviève j'ai amélioré ce poste, je l'ai enrichi par l'industrie et l'émulation que j'ai fait naître parmi les habitants.
Dès le premier mois que je reçu ma paye de capitaine je fus surpris de ce que M. de Navarro, intendant, m'en retranchait treize piastres par moi, ce qui a toujours continué depuis, malgré toutes mes représentations. Etant venu à la Nouvelle-Orléans en mars 1792 M. le Baron de Carondelet me chargea d'une commission pour faire venir des étrangers qui restaient dans les Etats-Unis et il me promit que ce voyage me serait payé, et qu'en outre il m'obtiendrait la paye et le grade de lieutenant colonel pour me récompenser des nouveaux services que je rendais à l'Espagne et me dédommager d'une partie de ma paye qu'on m'avait retenue. Comptant sur ces assurances, je partis pour Philadelphie et Baltimore où je m'acquittai de mon mieux de ma commission. En 1794, ayant été obligé de revenir à la Nouvelle-Orléans je n'y reçu ni la récompense promise ni même le remboursement de ce que ces voyages m'avaient coûtés. On m'offrit par une espèce de plaisanterie le commandement des Attakapas. Me voyant endetté et mes biens tombèrent ruine pendant mon absence. Je revins aux Illinois pour sauver et améliorer le reste et je vis que cette commission donnée avec tant de belles promesses m'avait occasionné une perte de plus de six mille piastres. Cela ne m'a pas empêché que j'ai établi de nouvelles salines qui enrichissent aujourd'hui les postes espagnols des Illinois, et qui rendent tributaires les habitants du Tennessee et de l'Ohio par le sel qu'ils en tirent. Enfin, M. de Gayoso au commencement de l'an dernier 1799 me donna le commandement de la Nouvelle Madrid où je suis maintenant, sans autre récompense ni indemnité mais espérant toujours quelques faveurs du gouvernement, et particulièrement des chefs de cette colonie.

Nouvelle Madrid, le 27 septembre 1800.

Notes

pas de destinataire spécifié, probablement le gouverneur de la colonie.
A noter que ce mémoire ne cite à aucun moment le nom de Terrio et ce qu'il a fait. Peyroux s'attribue tout le mérite et tout le travail ; il mentionne la pétition signée par quatre ou cinq pères de familles ; Terrio dit que c'est lui qui l'a fait signer ; Peyroux se l'attribue entièrement.

Mots-clés

// repartir : Louisiane
// protecteurs : duc d'Aiguillon
// repartir : Acadie ; plusieurs familles étaient passées à Guernesey [plutôt à Jersey] pour passer de là à l'Acadie, à l'île Saint-Jean, etc. ; donne un second indice que les Acadiens souhait

Numéro de document

002228