Document : 1764-03-20 // 1764-04-14

Références / localisation du document

Jean-Marie Fonteneau, Les Acadiens citoyens de l?Atlantique, Rennes, Éditions Ouest France, 2001 (1996). // Joseph-Marie Lanco, "Les Acadiens à Belle-Île en-Mer. Correspondance de M. l'abbé le Loutre, Missionnaire apostolique, avec M. le baron de Warren, Maréchal des camps et armées du Roy, commandant pour le Roy à Belle-Isle", Supplément au "Lys", Bulletin mensuel de la paroisse et du pèlerinage de Notre-Dame du Roncier, Josselin, diocèse de Vannes, Morbihan, (mars 1924) . // AD Morbihan, Série E, correspondance de Warren (série 1-2 E)

Date(s)

1764-03-20 // 1764-04-14

Auteur ou organisme producteur

Warren // Le Loutre

Destinataire

Le Loutre // Warren

Résumé et contenu

Warren : opposé au regroupement des Acadiens : "que tous les habitants ne fassent qu'un seul esprit et un même peuple." ; Le Loutre : regrette que cela ne puisse se faire. Ne voit pas en quoi le bien du Roi en souffrirait.

Warren : il voit la difficulté de Le Loutre à placer ensemble les Acadiens, et malgré l'envie qu'il a de faire plaisir aux Acadiens, il ne voit pas le moyen. Il pense qu'il est du bien du service du Roi et de l'intérêt de la province de les distribuer également dans les quatre paroisses de l'île, etc..; Raison de cela : l'émulation des Bellislois par les Acadiens. Il est très content de l'arrivée des Acadiens à BIM.
Le Loutre : aimerait mieux les Acadiens groupés pour les "animer et les encourager au travail" ; dispersés dans l'île, chose impossible. Ne voit pas pourquoi le bien du roi en souffrirait. Regretterait de voir les colons dans la misère.
voir la lettre de Le Loutre du 17 février 1764 : @ 399

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A Belle-Ile, le 20 mars 1764

"J'ai reçu dans son temps la lettre, Monsieur, que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 17 février dernier, par laquelle vous me faites part que l'établissement des Acadiens à Belle-Ile a été arrêté et déterminé. Je vois ainsi, que vous avez, Monsieur, beaucoup de difficulté à les placer tous ensemble dans les trois paroisses, comme vous souhaitez et, malgré toute l'envie que j'aurais de rendre service à vos Acadiens, et de contribuer à les établir selon leurs désirs, je n'en vois guère le moyen ; je trouve qu'il est du bien du service du Roi, et de l'intérêt de la Province, de les distribuer également dans les quatre paroisses de l'île ; ils profiteront de l'avantage et du désavantage qui peut y avoir dans chaque paroisse ; c'est d'ailleurs le seul moyen d'entretenir l'union et la bonne harmonie qu'il doit y avoir entre ces nouveaux colons et les anciens, pour que tous les habitants ne fassent qu'un seul esprit et un même peuple.
L'industrie des Acadiens et leur émulation pour l'agriculture ainsi répandue par toute l'Ile excitera celle des Belleislois, et je trouve que le plan de M. Isambert qui les place dans les quatre paroisses est judicieux.
Peut-être n'aperçois-je pas les objets dans le même jour que vous, mais je ne saurais vous cacher ma façon de penser à ce sujet.
En mon particulier, vous devez être persuadé du plaisir que j'aurai de les voir à Belle-Isle. Ils peuvent être assurés que, dans toutes les occasions, je leur rendrai tous les services qui dépendront de moi. Je serais très flatté aussi qu'ils s'en présente pour vous prouver à vous, Monsieur, tous les sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc...

Réponse de Le Loutre :

Paris, le 14 avril 1764 (1764-04-14) :

Monsieur,
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire en date du 20 mars. La maladie de laquelle je ne suis pas encore bien rétabli est cause que je n'ai pas répondu plus tôt.
Je ne puis vous dissimuler, Monsieur, que j'aimerais mieux les Acadiens dans trois paroisses [c'est à dire groupés] parce que je pourrais être au milieu d'eux, les animer et les encourager au travail - voilà 8 à 9 ans que ces pauvres gens n'ont travaillé - au lieu qu'en les dispersant dans l'île, la chose me devient impossible.
Je ne vois pas que le bien du service du Roi, en établissant les Acadiens en 3 paroisses, en doive souffrir ; car pour la défense de l'île, il ne s'agit que de s'opposer à la descente de l'ennemi ; mais comme ce n'est point mon métier, je pourrais me tromper.
Je serais fâché de voir les Acadiens dans la situation des anciens colons, c'est la pure misère et pauvreté et je ne sais si, dans 20 ans, on viendra à bout d'en faire de bons habitants et de faire fleurir l'île. Enfin, je me borne à vouloir tout ce que l'on désirera sur leur sort.
Nous attendons la rentrée des 56,000 livres dûes à la Province de Bretagne par le gouvernement, la maladie de Madame la Marquise a suspendu toutes les affaires pendant un mois ; d'ailleurs, M. le C.G. n'a point d'argent, et sans argent point d'établissement. J'espère cependant qu'on prendra bientôt des arrangements pour finir cette affaire. Le duc de Choiseul doit partir pour Brest dans le commencement de Mai. Le duc d'Aiguillon est à Paris depuis quatre jours. Pour moi, je ne fais qu'aller de Paris à Versailles, et je commence fort à m'ennuyer. Vous me permettrez, Monsieur, d'insérer ici un petit billet, en réponse à celui que m'a écrit cette femme qui a logé et nourri les Acadiens à Belle-Ile, pendant le séjour que nous y avons fait.

J'ai l'honneur d'être, etc...

Notes

cette lettre est en réponse à une Lettre de Le Loutre à Warren [@ 399] [le Loutre a visité l'île et juge qu'on pourrait répartir tous les Acadiens au centre de l'île, sur 3 paroisses, mais tous groupés] ; il écrit à Warren : "Les Acadiens ont fait demander à la Commission d'être placés par préférence dans les trois paroisses, afin de vivre comme ils ont toujours vécu, toujours voisins et à proximité les uns des autres, et n'être pas confondus avec les Bellilois" [Fonteneau note : "ce qui ne convient pas du tout" à Warren, qui répond la lettre ci-dessus]

Mots-clés

// séparation des Acadiens et des Bellilois
// intégration des Acadiens passe par la dissolution
// regroupement - dispersion
// BIM
// RED
// culture (différences)

Numéro de document

000044